Moi, Nagalyngaliel, si vous me permettez, vais vous narrer mon histoire. À l’aube de ma vie, étant fille de mages, il fut convenu que je serais placé sous la tutelle de la communauté des Flammes de Céleste. Une communauté formée de grands thaumaturges qui vouent entièrement leur vie à renforcer leur pouvoir. Cette même communauté qui avait permis à mes parents de grandir en puissance.
Ce qu’il faut savoir, c'est que l’endroit où est situé cette communauté est invisible et tenu secret. Il est construit en hauteur, dans les branchages d’un bosquet d’arbres millénaire de la Forêt Noire. Du bas de ces arbres, le village est pratiquement indécelable. Le seul accès est dissimulé dans un fourré très dense, camouflé derrière un talus et il est protégé à l’aide d’un charme. Toute personne qui traverserait ce talus, verrait apparaître instantanément à ses pieds, un objet qui capterait entièrement son attention. Ainsi, un herboriste découvrirait une plante très convoitée aux propriétés fabuleuses, un nain capterait le miroitement d’une pierre précieuse, un roublard buterait sur un coffre au trésor… vous comprenez l’idée. Nul doute, les étudiants et leurs maîtres étaient en sécurité. La seule façon de les atteindre étant de connaître l’endroit et de ne pas se laisser distraire par l’illusion du charme.
Une fois le voyage terminé et que je fus bien installé, commença ma session d’évaluation. Mais, à peine le soleil et la lune eussent-ils échangés leur place, que j’avais à mon grand damne, échouée tous les tests. Les archi-mages, après avoir débattu toute la nuit sur mon cas, déclarèrent que j’étais inapte à évoluer en tant que mage. Il firent envoyer aussitôt plusieurs missives afin de communiquer la mauvaise nouvelle à mes parents, mais plusieurs jours plus tard, les courriers revinrent en déplorant que ces derniers restaient introuvables.
Toujours est-il que la somme pour mon éducation avait été dûment acquittée et que les érudits n’étaient pas du genre jeter dehors une jeune elfe sans défense. Voilà la version qu’ils m’ont servie. Mais je crois plutôt, qu’ils n’étaient pas très enclin se départir d’un tel magot. Et oui, même les elfes aussi honorables fussent-ils, réussissent à se faire enivrer par le pouvoir de l’argent. Il fut donc convenu que je recevrais tout de même l’instruction des érudits axée davantage sur les matières générales. Et c’est ainsi, que débuta le dur labeur de ma formation. Il faut savoir que tous les elfes qui entreprennent ces études, sont confinés inlassablement à l’intérieur de leurs salles de cours et que, même lors de leurs quelques heures de liberté, ils ne sont en aucun cas, autorisés à errer hors de la communauté. Cependant, cette règle est maintenue seulement pour le premier centenaire de formation.
Donc, durant la première saison, je progressai normalement dans les matières générales, soit, l’apprentissage des langues elfiques et communes, des calculs, la connaissance des dieux et de tout ce qui requérait de la mémoire, mais même les plus grands maîtres ne pûmes m’apprendre à catalyser l’énergie qui me permettrait de lancer un sort. Mais, un jour d’automne, un elfe plutôt mature s’est présenté à la communauté dans l’espoir de pouvoir partager son savoir en tant que maître alchimiste. Jusqu’à ce jour la communauté n’était qu’une école de magicien, mais les responsables virent l’opportunité que Céleste leur offrait et s’en saisir. Il fut donc convenu que le nouvel arrivant, me prendrait en charge et me formerait en tant qu’alchimiste.
Ainsi, s’égrainèrent lentement mes heures de séquestration, jusqu’à ce qu’une douzaine de printemps plus tard, commence le temps de mes escapades nocturnes. Toutes les nuits sans lune ou ennuagée, je redécouvris les joies de la nature, le plaisir d’observer la vie animale et bientôt, toute la faune des environs s’était accoutumée de ma présence. Je ne vivais que pour ces quelques heures de plénitudes, rêvassant durant mes heures de pratique. Il m’en coûta beaucoup, Céleste en est témoin bon nombres de potions ont tournées aux désastres à cause de quelques secondes de rêverie.
Vint une nuit où je découvris un campement. Trois nuits durant, j’errai dans ce campement sans jamais ne rencontrer âme qui vive, mais sachant pertinemment que l’intrus m’observait de loin, invisible même à ma vision nocturne. J’espèrais, comme pour les animaux, qu’il se rende compte par lui-même que je n’étais pas une menace et qu’un jour il décide volontairement de se montrer. Vous me direz que j’étais inconsciente du danger et vous aviez raison, jeune elfe écervelée que j’étais, je n’ai jamais pensé que cet humanoïde une nuit me suivrait au retour. Quelle pagaille ç’a été lorsqu’il est monté à ma suite ! Pauvre Malone, une fois pris, il fut condamné aux mêmes restrictions que les élèves soit : 100 ans devrait s’écouler avant qu’il puisse redescendre des géants millénaires. Mais n’allez surtout pas croire que je m’en suis tirée facilement. M’a été assignée, la tâche ardue de surveiller nuit et jour l’inconnu en plus de toutes les heures d’études et de cours. Heureusement, Malone n’a jamais résisté. Il a eu l’air de s’être rapidement résigné et de bons grés s’est intégré à la communauté. Sans jamais pouvoir assouvir ma curiosité face à sa race, il m’a beaucoup appris sur les mœurs et coutumes des humains.
Ces interminables soirées passées à discuter au clair de lune ont pris fin une fraîche nuit de printemps, près d’un an plus tard. J’étais en train de relater mes nouvelles expériences de la journée, lorsque Malone me bâillonna d’une main sur la bouche et se jeta littéralement en-bas du balcon, m’entraînant à sa suite. Là, camoufflé dans les feuilles d’une branche en contre-bas , j’assistai à la scène la plus terrible qui m’ait été donnée de vivre. Je ne sais toujours pas comment tout cela a pu arriver, mais en un instant, il y avait des ombres partout… C’était une patrouille d’elfes noirs. Aucun bruit… à peine un hoquet de surprise… un dernier souffle… le sifflement d’un carreau… le bruit du sang qui goutte... Quelques secondes plus tard, ils étaient partis. En un clin d’œil, fut massacrés la communauté entière. Ils étaient si… silencieux, si… insaisissable…, l’incarnation du mal… Sans les sens aiguisés de Malone, ses réflexes inouis et ses aptitudes de camouflage, j’aurais péri cette nuit-là, tout comme les autres. Ce dernier du me porter pour redescendre, car l’épreuve me laissa pétrifiée, à demi-consciente. Mon rétablissement nécessita plus d’une quinzaine de jour et jamais je n’ai pu me résoudre à remonter là-haut.